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Accueil du site / L’association / S’informer / Liens entre cancer et nucléaire : écoutez Annie Thebaud-Mony

Mardi 22 avril matin à 7h15, Europe 1 proposait "La question qui fâche" : L’armée est-elle responsable des cancers des vétérans qui travaillaient sur le plateau d’Albion (site de dissuasion nucléaire français) ? Avec Annie Thébaud-Mony, sociologue de la santé et directrice de l’unité Inserm « Groupement d’Intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle » à l’université Paris XIII.

Y’a t-il oui ou non un lien entre le travail sur des sites nucléaires comme le plateau d’Albion et les cancers développés par certains vétérans ?

"Oui, bien sûr ! Dans la mesure où la radioactivité est un des cancérogènes avérés, sur lequel il n’y a aucun doute sur sa relation avec le cancer."

La suite de l’interview ici ou ci-dessous

Annie est venue tenir une conférence deux jours avant, lors du rassemblement du Faou, dimanche 20 avril 2014. Un de nos adhérents, Patrick Quemener a filmé sa conférence intitulée « Conséquences sanitaires de l’activité des salariés sous-traitants du nucléaire ». Il l’a fractionné en 5 petites vidéos de 10 minutes

Conférence 1/5

Conférence 2/5

Conférence 3/5

Conférence 4/5

Conférence 5/5

A revoir aussi les vidéos du débat à La Feuillée en septembre 2009 toujours filmées par Patrick Quemener . Ce débat animé par Philippe Billard, travailleur de la sous-traitance du nucléaire et Annie Thébaud-Mony avait suivi la projection du film de Alain de Halleux "Nucléaire : RAS"

vidéo 1

vidéo 2

Annie Thébaud-Mony :

Directrice de l’unité Inserm GISCOP93 (Groupement d’Intérêt Scientifique sur les Cancers d’Origine Professionnelle) à l’université Paris XIII. Le 31 juillet 2012, elle refuse la Légion d’Honneur, afin de dénoncer l’« indifférence » qui touche la santé au travail et l’impunité des « crimes industriels ».

Elle préside l’association Henri Pézerat (santé, travail, environnement). Auteur du livre " L’industrie nucléaire : sous-traitance et servitude "(2000).

suite de l’interview Europe1

Ça c’est la théorie. Vous l’avez établi scientifiquement, pas forcément au plateau d’Albion mais dans d’autres cas ? "Je prends une situation parallèle : l’Arsenal de Brest où des travailleurs de l’Etat ont travaillé pendant 25 ans sans aucune information sur la radioactivité. Ils étaient au contact de têtes de missiles, ils ont développé des cancers reconnus en maladie professionnelle, et le ministère de la Défense a admis la faute inexcusable de l’employeur, sa responsabilité dans cette histoire."

Sur le plateau d’Albion, l’Armée dit : "Ce n’est pas nous, on n’y est pour rien". Ça vous surprend ? "Tout à fait ! Ça me surprend parce qu’il semble quand même que les mêmes causes entraînent les mêmes effets ! Ce que j’ai lu dans les articles du Parisien fait tout à fait penser à des activités de même type. Lorsque les militaires du plateau d’Albion décrivent qu’ils étaient au contact des têtes de missiles, qu’ils avaient même à les changer, à faire de la maintenance, c’est exactement le même type d’activité que faisaient les travailleurs de l’Ile Longue."

Va t-on vers un scandale sanitaire : des centaines de milliers de personnes travaillent au contact du nucléaire ? On pense aux personnes qui travaillent auprès des 58 réacteurs... Y’a-t-il un risque de scandale sanitaire ?

"Tout à fait ! Pour avoir travaillé pendant plus de 10 ans avec les travailleurs sous-traitants qui font la maintenance des centrales, ils ont des expositions qui ne sont pas du tout négligeables. Aujourd’hui, 20 ans après, on commence à voir apparaître des cancers : on a un vrai problème avec la radioactivité. Effectivement, on est en présence de nouveau du type de scandale sanitaire qu’on a connu avec l’amiante."

Quand vous alertez les autorités, les pouvoirs publics : ils font la politique de l’autruche ?

"J’ai fait mon travail de chercheur en santé publique, j’ai publié une enquête sur ce sujet il y a 15 ans maintenant, en 2000. Il y avait dans cette enquête un certain nombre de préconisations à la fois sur la prévention, le suivi et la mise en place de surveillance sanitaire. Quel retour j’ai eu ? Pas de retour."

Et les riverains qui vivent à quelques kilomètres du plateau d’Albion ou des centrales, ils doivent s’inquiéter ?

"A partir du moment où il y a irradiation, il y a contamination radioactive : à partir de ce moment-là, on est en présence d’un cancérogène. Comme tout cancérogène, il n’y a pas de seuil en-dessous duquel il n’y a pas de risque."

Tout est un peu cancérogène... A quel moment ça devient inquiétant ? Si j’habite à côté d’une centrale, je dois déménager d’urgence ?

"Déménager d’urgence, je ne sais pas. Je ne sais pas quels sont les rejets qui menacent les riverains. Ce dont je suis convaincue car c’est le réglementation, c’est qu’on a des règles dans le code du travail, c’est qu’il ne doit pas y avoir de contact entre un cancérogène et une personne, quelle qu’elle soit. Avec la radioactivité dans le nucléaire civil ou militaire, on a une situation qui est extrêmement préoccupante, sur laquelle nous sommes un certain nombre de chercheurs à avoir alerté et depuis longtemps."

Sur le cas du plateau d’Albion, quand l’armée dit : "C’est pas nous, c’est Tchernobyl", c’est risible ?

"De mon point de vue, c’est plus que risible : c’est même une forme de cynisme quelque part ! On l’a vu pour l’Arsenal de Brest, c’est seulement quand en 1996 des travailleurs ont commencé à s’inquiéter de la situation qu’on leur a mis des dosimètres ! Si on ne mesure pas, on peut toujours dire que c’est ce qui s’est passé à Tchernobyl..."