Le 24 août 2020
Au lendemain de la fermeture de Fessenheim, une tribune pronucléaire intitulée "Se fier au vent et au soleil, c’est refuser d’être responsable de la sécurité d’approvisionnement en électricité" est publiée dans Le Télégramme du 1er juillet 2020.
Pas un mot sur ce qui provoque en hiver les pics de consommation avec le radiateur électrique ni sur les déchets et les territoires contaminés, le nucléaire est une énergie propre à les en croire !! ... et ceci 40 ans après l’enquête de Plogoff et l’abandon du projet !
Le Télégramme n’a pas fait écho du communiqué du 30 juin du Collectif anti-nucléaire Ouest https://www.can-ouest.org/fessenheim-attention-une-fermeture-peut-cacher-une-relance-du-nucleaire-a-louest/ qui a été envoyée à tous les médias de l’Ouest ;
Pas un mot non plus de la réaction argumentée de Stéphane Lhomme, directeur de l’Observatoire du nucléaire à cette tribune . Aussi nous la publions. ( L’Observatoire du nucléaire a d’ailleurs réagi par 2 fois cet été à deux tribunes du Monde et de Marianne, assassines envers les antinucléaires).
Dans sa récente tribune (Télégramme du 1er juillet), le polytechnicien Henri Prévot estime que les fermetures de réacteurs nucléaires – deux déjà effectives à Fessenheim (Alsace) et une douzaine officiellement à venir – vont mettre en défaut à l’avenir l’approvisionnement électrique de la France.
Pour M. Prévot, ces fermetures seraient des décisions insensées concédées par les dirigeants politiques à l’air du temps (montée en puissance de l’écologie) et « aux producteurs et vendeurs de batteries domestiques et de groupes électrogènes ».
C’est oublier que c’est l’industrie nucléaire elle-même qui est la cause de ce désamour de la part d’une classe politique qui, jusqu’alors, a soutenu aveuglément l’atome. Ni François Hollande (initiateur de la fermeture de Fessenheim, même s’il n’a pas tenu la promesse de la réaliser avant la fin de son quinquennat) ni Emmanuel Macron ne sont antinucléaires, bien au contraire. Mais ils sont bien obligés de constater que :
Areva (devenue Orano) et EDF se sont totalement décrédibilisées avec leurs projets respectifs de réacteur EPR en Finlande et à Flamanville, chantiers sans fin (ils devaient être terminés respectivement en 2009 et 2012) et terriblement ruineux (au moins 12 milliards contre 3 annoncés au départ).
Areva s’est aussi totalement déconsidérée avec le scandale inouï des milliers de pièces défectueuses produites dans les usines du Creusot, dont des dizaines ont été installées dans les centrales françaises malgré les contrôles qu’EDF était supposée opérer, et sans que l’Autorité de sûreté nucléaire ne s’aperçoive de quoi que ce soit pendant de longues années.
EDF et Areva ont gaspillé des sommes astronomiques dans divers pays, et en particulier aux USA, pour y construire des réacteurs et autres installations nucléaires... qui n’ont jamais vu le jour.
EDF continue de précipiter sa faillite avec un chantier de deux EPR en Angleterre qui suivant d’ores et déjà le chemin de leurs prédécesseurs : retards cumulatifs et pertes par milliards.
Dans ce contexte, et alors qu’Areva a déjà fait faillite, EDF se révèle totalement incapable de financer rénovation – et la remise à niveau post-Fukushima - de ses 56 réacteurs encore en service. C’est pourquoi, pour essayer de sauver le nucléaire, EDF doit... fermer des réacteurs ! L’idée étant de concentrer les derniers moyens financiers et humains sur un nombre réduit de centrales, probablement sur les moins âgées.
Il faut toutefois noter que l’industrie nucléaire ne s’effondre pas seulement en France mais globalement sur la planète, et ce processus irréversible n’est que légèrement freiné par les quelques dizaine de réacteurs en chantier en Chine, pays qui investit en réalité immensément plus dans les renouvelables que dans l’atome.
Le seul point sur lequel nous sommes d’accord avec M. Prévot, c’est que la question de l’énergie et du climat va se révéler un véritable casse-tête dans les années à venir. Mais il est clair que l’accompagnement de la fin du nucléaire sera une des pires difficultés : la France a mis tous ses Å“ufs dans le même panier, il était donc inévitable que la situation soit inextricable 50 ans plus tard. Nous y sommes.
Stéphane Lhomme Directeur de l’Observatoire du nucléaire http://www.observatoire-du-nucleaire.org